Une passion intraitable
Steve Jobs ou l'éloge de la manie
Nous vivons une drôle d'époque.
Certains se targuent d'avoir des milliers d'amis, qu'ils n'ont jamais vus. D'autres vivent des relations amoureuses sans se toucher, sans respirer l'odeur d'un corps. L'ère est à la communication, mais on ne s'entend plus. L'intimité s'affiche sur des murs qui n'existent pas, aussi fugaces que l'image qui la porte, ici ou à l'autre bout du monde, mais n'est plus garantie par rien. Les photos ne se sont plus attendre, mais doivent être instantanément envoyées à des spectateurs qui n'ont probablement rien demandé. On cherche son futur amoureux sur une page de catalogue, et il ne sera choisi que s'il s'est paré de ses plus beaux atours, factices ou réels, peu importe. Il prend le risque d'être choisi, élu, convoité un instant ou une semaine, et jeté aussi rapidement. Une des dernières modes est un site où l'on fait défiler les visages de ceux qui s'y sont inscrits, en cochant si ils plaisent ou pas : la coïncidence des coups de coeur peut conduire à un échange, mais sinon c'est l'oubli, l'ignorance, la poubelle, l'atteinte au narcissisme.